Besoins et demandes en matière de santé et droit sexuels et reproductifs des femmes vivant avec une MGF à Bruxelles
Mots-clés : santé, droits sexuels et reproductifs, femmes, mutilations génitales féminines, MGF, Bruxelles, besoins, demandes, contraception, sexualité, violences basées sur le genre
Ce rapport est le fruit de deux années de recherches menées par Stéphanie FLORQUIN dans le cadre du Réseau bruxellois SC- MGF soutenu par la COCOF.
Objectifs
Explorer les besoins et demandes des femmes concernées par les MGF (mutilations génitales féminines) en matière de santé et de droits sexuels et reproductifs de manière globale, en prenant en compte différents aspects de la santé sexuelle et reproductive tel que la contraception, l’accès aux soins, la sexualité, et les violences basées sur le genre.
Cette étude a répondu à la finalité du réseau bruxellois MGF : celle de promouvoir la santé (sexuelle) des filles et des femmes touchées par les MGF.
Contexte
On compte sur la Région de Bruxelles-Capitale environ 8 000 femmes et filles très probablement excisées ou à risque de l’être, environ la moitié d’origine guinéenne. Parmi les neuf autres principales communautés concernées par les MGF à Bruxelles, toutes sont originaires d’Afrique subsaharienne. Chaque groupe représente quelques centaines de personnes. Les mutilations génitales perpétrées sur une personne de sexe féminin sont explicitement illégales en Belgique depuis la loi du 28 novembre 2000. Le fait d’être à risque d’une MGF ou de l’avoir subie peut être reconnu comme une raison de protection internationale. Les attestations d’excision/de non-excision jouent un rôle central dans les procédures d’asile évoquant ce critère.
Échantillonnage
Le recrutement des participantes à cette étude a été rendu possible grâce à l’implication des membres du Réseau bruxellois MGF. Nous avons veillé à assurer une diversité en termes d’âge, d’origine et de situation de séjour. Au total, 70 personnes de 14 pays différents ont participé à l’étude.
Méthodologie
Nous avons réalisé 14 entretiens individuels et 6 focus groups. La moitié était originaire de Guinée et les autres étaient majoritairement originaires d’Afrique de l’Est et de l’Ouest, mais également d’Afrique du Nord, du Moyen-Orient et d’Asie.
Afin de prendre en compte la santé sexuelle et reproductive de manière globale, cette étude portait sur différents aspects tels que : la contraception, l’accès aux soins et complexes. Il était question d’identifier des besoins et les attentes, notamment concernant les professionnel·le·s et les services chargé·e·s d’accompagner les personnes concernées par les MGF.
Parmi les personnes ayant participé à cette étude, toutes ont connu un parcours migratoire plus ou moins récent. Pour plusieurs d’entre elles, les difficultés du parcours migratoire et la précarité dans laquelle elles vivent en Belgique influencent négativement leur état de santé et leur bien-être. De nombreuses femmes rencontrées témoignent d’ailleurs de problèmes de santé mentale tels que : les problèmes de sommeil, le mal-être, la solitude, la tristesse et le stress.
Elles étaient nombreuses à avoir vécu des violences dans leur pays d’origine ou durant le trajet migratoire. Pour une partie significative d’entre elles, les violences les ont poussées à quitter le pays d’origine et à demander l’asile en Belgique. Les récits de ces femmes montrent que l’excision n’est qu’une raison parmi d’autres de leur départ. En effet, les mariages forcés sont plus souvent évoqués comme étant la situation qui a entraîné la fuite. Toutefois, à cause de la difficulté liée à la preuve, le mariage forcé est une raison moins reconnue dans les demandes de protection internationale, comparé aux MGF. De ce fait, nous avons souligné l’importance de reconnaître le continuum de violences basées sur le genre tout comme l’impact que ces nombreux sévices peuvent avoir sur le bien-être et la santé.
Constats
L’étude nous a permis d’identifier des besoins en matière d’information sur des sujets de santé sexuelle et reproductive. En particulier au sujet de l’anatomie du corps, de la sexualité, des moyens de contraception, du VIH/sida et des IST. Les récits autour du VIH/sida montrent également que des idées reçues persistent, notamment au sujet de la mortalité liée au sida. En plus d’un manque de connaissance des différents moyens de contraception, des barrières à leur utilisation ont été identifiées. Pour ne citer que les plus répandues : les normes pesant sur la sexualité des femmes,
Le contrôle exercé par certains partenaires masculins et la peur des effets secondaires des moyens de contraception. Dans certains cas, des femmes peuvent être à risque de subir des violences de la part de leur conjoint si elles cherchent à espacer les naissances.
La pression sociale et familiale affecte le vécu et les possibilités d’avoir une sexualité libre et épanouie chez les femmes rencontrées. Dans de nombreuses communautés, la sexualité pré matrimoniale est taboue, ce qui affecte négativement la possibilité de recourir à un moyen de contraception hormonal pour celles qui sont sexuellement actives.
Parmi les personnes rencontrées, la sexualité est négativement influencée par le vécu de violences. L’excision est particulièrement mentionnée, tout comme d’autres mauvaises expériences, bien que certaines femmes témoignent d’un épanouissement sexuel. L’accès à l’information, notamment au sujet de l’anatomie et de la sexualité, constitue un facteur favorisant une sexualité épanouie. Le public a fait part de nombreuses questions autour de la sexualité et du lien entre excision et problèmes sexuels. L’étude a également permis de mettre en lumière, à travers les témoignages de deux personnes, la nécessité de comprendre et de répondre aux besoins et attentes spécifiques de femmes non-hétérosexuelles.
Les expériences des services de santé étaient majoritairement positives. Les MGF constituent d’ailleurs une « porte d’entrée » pour accéder à des services de SSR. Nous avons souligné le rôle que peuvent jouer les professionnel·le·s de santé en abordant les sujets « intimes » tels que la sexualité et les violences, avec les patientes sans attendre qu’elles fassent le premier pas. Les témoignages indiquent également l’importance de la formation des professionnel·le·s à la prise en charge des femmes concernées par une MGF. Nous avons aussi mis en évidence que la consultation pour une attestation « MGF » peut présenter une opportunité. Néanmoins, il convient aux professionnel·le·s de santé de s’en saisir dans une approche de promotion de la santé sexuelle et reproductive des patientes.
Il s’agissait aussi d’insister sur le besoin de renforcer non seulement l’accès à l’information, mais aussi la possibilité pour le public d’appliquer cette information afin d’améliorer leur santé sexuelle et reproductive. Cela passe notamment par des communications adaptées et la possibilité d’être accompagné·e par un·e traducteur·rice formé·e sur la SSR et les violences basées sur le genre (VBG). Par ailleurs, les résultats indiquent qu’il n’est pas toujours facile, ni pour les femmes concernées, ni pour les professionnel·le·s de santé ou les services sociaux, de comprendre le lien entre l’excision et les besoins en matière de santé reproductive et sexuelle. L’information et la formation à ce sujet mériteraient d’être renforcées. Conclusions
Les conclusions de cette étude sont riches en enseignement, car elle nous apprend que le mariage forcé est plus souvent évoqué que l’excision comme cause de la fuite des jeunes filles et des femmes. Pourtant, le mariage forcé n’est pas autant représentatif dans les décisions d’octroi d’asile que l’excision. Faute de preuve matérielle, le mariage forcé est moins reconnu dans les demandes de protection internationales.
L’étude nous apprend aussi que les besoins en matière d’information sur la SSR sont plus importants qu’on ne puisse l’imaginer, tant il y encore de tabous (anatomie du corps, sexualité…) des idées reçues (SIDA, IST…), sous information (contraception…). On comprend aussi que des causes exogènes et extérieures aux jeunes filles et femmes influencent négativement leur sexualité (violence des proches par exemple).
Dans le cadre de cette étude, nous avons montré que leur santé est souvent influencée par des facteurs tels que la migration, les violences basées sur le genre, la précarité administrative et financière, … Chaque personne a son expérience de vie et réagit à sa manière à une situation. Elle a des envies, attentes et des besoins qui lui sont propres. C’est pourquoi toute action visant à promouvoir la santé, le bien-être et les droits sexuels et reproductifs doit prendre en considération la situation singulière de chaque personne.
Tous ces constats renforcent l’idée que l’on percevait, les MGF sont extrêmement négatives sur la sexualité et l’épanouissement social des filles et femmes. Elles sont d’ailleurs d’après l’étude, l’une des portes d’entrée privilégiée pour accéder aux services de santé sexuelles et reproductive. De même, les constats soulignent l’importance du personnel de santé dans les dispositifs de lutte contre les VBG.
Pour le lire le rapport complet. Pour plus d’informations, rendez-vous sur le site des Stratégies concertées.